[Fsfe-france] Théories économiques & argent

[Loic Dachary]

        Bonjour,

        Voici une réponse faisant suite aux questions que je me pose
sur les théories économiques qui permettraient de valoriser ce qui
n'est pas une affaire d'argent (typiquement le Logiciel Libre dont la
valeur est principalement non réductible à de l'argent). L'auteur
n'ayant pas fait de copie à la liste j'ai effacé son nom.

        A++,

> Cher Loïc Dachary
> 
> Quelques éléments de réponse tardive
> 
> >
> >  La question va probablement vous paraître naïve mais je ne
> > suis pas économiste et le ridicule ne tue pas :
> La question n'est ni naîve, ni ridicule, elle est simplement essentielle
> 
> 
> >) Il semble y avoir un
> > consensus sur le fait que les théories économiques actuelles échouent
> > à valoriser les échanges non marchand.
> 
> Effectivement il y a un très sérieux pronblème de l'économie standard
> néoclasique à rendre compte du secteur non marchand autrement
> qu'irrationnellement.
> Pour Wifredo Pareto l'un des grands économistes néo-classiques, l'économie
> est l'étude des conduites rationnelles de l'homme et est une conduite
> rationelle la recherche d'ophélimité ( sa version de l'utilité) entendue
> come ce qui augmente le bien être individuel. En revanche la sociologie est
> l'étude des conduites irrationnelles ou non rationnelles , c'est-à-dire
> toutes celles qui n'ont pas pour motif la maximisation de l'intérêt
> individuel sous contrainte de rareté des ressources. Bref tout le reste.
> Une conduite désintéressée doit être analysée  pour Pareto qui a fondé aussi
> une sociologie qu'on retrouve chez Raymond Aron par exemple, en séparant les
> dérivations (qui habillent de motifs rationnels des conduites qui ne le sont
> pas au sens qu'il a défini comme économiste)  des résidus qui souvent
> retrouvent les motivations intéressées.
> Exemple typique d'analyse parétienne à propos des logiciels libres. Le
> papier de Lerner et Tirolle ( deux économistes de très grosses pointure) est
> presque une caricature de ce filon d'analyse: les créateurs de logiciels
> libres semblent avoir une motivation complètement irrationnelle puisqu'ils
> ne travaillent pas pour un salaire ou pour vendre un produit sur le marché,
> puisqu'en bref ils travaillent de façon désintéressée. nos deux compères ont
> fini par trouver un motif intéressé ( donc une rationalité économique à ce
> comportement en apparence aberrant): il s'agirait de la part de nos
> créateurs de logiciels libres d'une stratégie de carrière : ils
> travailleraient de façon gratuite une première partie de leur carrière pour
> s'installer sur le marché, pour gagner une renommée qui leur permettraient
> dans la seconde partie de leur vie de gagner de biens meilleurs salaires ou
> d'empêcher des émoluments substantiels pour faire des conférences.
>  C'est aussi bête que cela.
> 
> 
> les théories alternatives ( marxistes ou keynésiennes )  proposent des
> analyses mais a mon avis elles sont partielles.
> 
> Dans la théorie marxiste la plus classique , la sphère non marchande est un
> extérieur de la production capitaliste que cette dernière absorbe
> progressivement en déplaçant les lisières du non marchand. C'est un peu la
> thèse qui prévaut dans la théorie altermondialistes de la marchandisation du
> monde. C'est aussi la thèse de l'impérialisme colonialiste qui allait
> bouffer les civilisations traditionnnelles. Pierre Philippe Rey et Claude
> Meillassoux en France ont critiqué ( après Rosa Luxembourg) cette vision: le
> secteur marchand n'est pas simplement substituable au secteur marchand de
> l'économie; il est le plus souvent son complémentaire, ce qui veut dire
> qu'il ne disparaît pas devant l'avancée du secteur marchand. il se
> réorganise; bref il est articulé au secteur marchand.
> 
> Claus Offe en Allemagne, qui a beaucoup réfléchi sur l'Etat Providence
> défend la thèse d'une démarchandisation indispensable parallèlement à la
> marchandisation. Autrement dit pas de marché possible sans welfare State et
> sans secteur non marchand.
> 
> Les keynésiens raisonnent un peu de la même façon concernbant le rapport
> entre le marché et l'Etat comme instance typique du non marchand.
> 
> Les courants marxiste de l'école dite de la reproduction soutiennent que le
> non marchand assume un rôle crucial dans la reproduction de la force de
> travail.
> 
> reprenant certains éléments de ces dernières théories, j'ai tendance à y
> ajouter deux choses : a) la prise en compte des externalités et de leur
> caractère dominant actuellement  sous ce que j'appelle le troisième
> capitalisme. 
> b) A côté du matché et de l'Etat ( ou de la hiérarchie) qui ont été les deux
> formes institués de production dans les deux premiers capitalismes on a
> actuellement l'émergence du réseau et de la coopération du cerveau qui fait
> apparaître de nouvelles combinaisons organisationnelles ( une division du
> travail cognitive et non plus hiérarchique)  qui est plus productive
> et plus libératrice que les précédentes.
> 
> Sa réduction à une dimension marchande ( dont la brevétisation et la
> réduction également des auteurs créateurs de logiciels à des salariés
> subordonnés n'ayant aucun droit sur le produit de leur travail) est un enjeu
> crucial de la période qui dépasse évidemment le seul domaine productif des
> logciels libres.
> 
> > Pouvez-vous me dire s'il existe
> > aujourd'hui des théories économiques qui intégrent les échanges non
> > marchands ? Par intégrer je veux dire autrement qu'un effet de bord
> > négligeable des échanges non marchands, bien sur.
> >
> >  De telles théories seraient fondamentales pour le Logiciel
> > Libre dont la valeur est essentiellement non marchande.
> >
> >  Merci par avance,
> >
> Voilà cher loïc ce que je puis vous dire. J'espère que cela vous ouvrira
> des pistes et je serais toujours heureux d'en discuter avec vous.
> 
> Bien amicalement

-- 
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