fsfe-france
[Top][All Lists]
Advanced

[Date Prev][Date Next][Thread Prev][Thread Next][Date Index][Thread Index]

[Fsfe-france] Implosion parlementaire. Jeudi 22 Décembre 2005


From: Jeremie ZIMMERMANN
Subject: [Fsfe-france] Implosion parlementaire. Jeudi 22 Décembre 2005
Date: Fri, 23 Dec 2005 07:13:43 +0100
User-agent: Mozilla Thunderbird 1.0.7 (X11/20051013)

-----BEGIN PGP SIGNED MESSAGE-----
Hash: SHA1

En quelques heures, les media de la terre entière ont titré sur "P2P
légalisé". Les dépèches, flash, gazettes, quotidiens, bulletins de tous
poil ont titré en ces termes (forcément) réducteurs sur les évènements
de la veille...

Les débats reprennent à 16h, après l'examen de quelques commissions
mixtes paritaires, sur le projet de loi DADVSI.

16 députés sont présents dans l'hémicycle lorsque B.Acoyer, président du
groupe UMP à l'Assemblée, prend la parole pour expliquer que la license
globale votée la veille (dont il ne semble manifestement pas être
satisfait) a été l'objet d'un grand nombre messages de la part de
"créateurs". Ce lobbying desespéré des industriels de la culture
s'emplifiera au fur et à mesure de la journée.

Le ton est donné. La décision de la veille n'est vraissemblablement pas
passée. P.Bloche revient dessus car selon lui elle représente le choix
de la liberté et incarne le caractère historique que RDDV a voulu voir
dans son projet de loi. Il demande néanmoins une suspension des travaux
en invoquant les conditions déplorables du travail parlementaire.

Dutoit (PCF) et Dionis (UDF) rajoutent chacun une couche sur les
condition dans lesquelles le gouvernement les forcent à légiférer, en
cherchant tous les deux à faire temporairement arrêter ce débat afin de
pouvoir le reprendre ultérieurement dans des conditions plus sereines.
Dionis explique pourquoi cette license globale optionnelle est selon lui
une "supercherie intellectuelle."

RDDV prend ensuite la parole pour expliquer que son but est qu'internet
soit accessible au plus grand nombre, mais que des règles du jeu soient
établies. Il est nécessaire selon lui de combattre "le risque d'une
domination mondiale par quelques-uns" Le rapport avec les précédents
discours n'est pas nécessairement évident, mais il énonce habilement son
intention de trouver une "troisième voie" entre "la gratuité" et "la
répression". Il affirme avoir "entendu l'interpellation."

M.Billard prend ensuite l'initiative de débuter les débats de la
journée. les 130.000 personnes qui ont signé la pétition eucd.info
ont-elles été "manipulées" selon les termes du ministre? Tout le monde
est d'accord qu'il faille combattre les monopoles, mais peut-être que
les désaccords portent sur les moyens de les combattre. Tout en évoquant
les logiciels libres, elle demande à ce que les débats soient suspendus.
Quelques intervenants appuient ensuite en ce sens pour finalement
obtenir une suspension de cinq minutes.

Après la suspension, de nombreux députés dont Bayrou tentent eux-aussi
de faire ajourner les débats, afin qu'ils puissent se poursuivre dans le
calme et la sérénité, et dans des conditions "normales". Malgré l'habile
 sortie de Le Garrec selon qui il ne serait pas possible de terminer
l'examen du projet de loi avant dimanche soir, ce qui aurait pour effet
de faire rater à C.Boutin la messe de minuit (hilarité générale!). Après
une nouvelle suspension de séance afin de déterminer un plan d'action
pour la suite (tous les députés se sont réunis au centre de l'assemblée
dans un conciliabule des plus courtois), les débats continuent.

Le président de séance annonce que les articles 1 et 2 (l'article 1
était en cours d'examen, l'amendement sur la license globale portait sur
lui) seront réservés, c'est à dire que leur examen sera reporté à la fin
du projet de loi!

Dans la conseternation générale, C.Paul note "l'ambiance d'amateurisme"
dans laquelle se déroule la discussion, et se dit choqué que les
articles "clés-de-voûte" du projet soient réservés.

Puis, à toute vitesse, les articles 3 et 4 sont adoptés. Quelques
plaintes, mais l'on continue. Vauquier (UMP) explique que les auteurs de
Logiciels Libres sont en danger, ce qui justifie qu'il faille avancer
dans les débats.

C.Paul reprend la parole pour raconter que la fréquentation du site de
l'assemblée a atteint des records ces derniers jours, et que la
démocratie se joue donc pour une fois réellement en direct...

Après le rejet de l'amendement 83 concernant les webradio, les
amendements 171 et 173, quasiment équivalents, sont adoptés. Ils
concernent les dispositions contractuelles auxquelles devront se plier
les webradios pour obtenir les autorisation de diffusion d'oeuvres. De
lourdes contraintes qui risquent de ne pas être faciles à mettre en
pratique.. (qqn a plus de détails?)

C.Boutin nous explique avoir compris les valeurs de la solidarité par
son engagement politique sur ce sujet, et nous révèle que bien que fan
de Johnny-à-l'idée, elle souhaite ici défendre les artistes qui ne sont
pas connus.

Les amendements 21 et 22 sont ensuite adoptés, ainsi que l'article 5
dans son intégralité. Les amendements insérés après l'article 5 sont
réservés.

Les amendements 26 et 27, destinés à imposer un cadre contractuel strict
pour l'acceptation par un auteur de MTP sont rejetés au profit du 246
qui reprend à peu de choses près leur syntaxe (à vérifier). Il s'agit en
gros de garantir à un artiste que lorsqu'il signera un contrat avec un
éditeur, celui-ci soit obligé de l'informer que ses oeuvres seront
protégées par une MTP. La version de l'amendement 246, porté par
Vanneste, prévoit qu'une telle clause contractuelle puisse concerner les
oeuvres futures, sans nécessiter une nouvelle signature à chaque fois.
(à vérifier également)

Puis l'amendement 110, défendu par Dionis est discuté. Il est dangereux
car il impose que la redevance pour copie privée reflète le nombre de
copies privées pouvant en pratique être réalisée à partir d'un support.
Ainsi, lorsque la copie privée sera limitée car encadrée par la
technique ("vous ne pouvez (techniquement) faire qu'une et une seule
copie de cette oeuvre") la redevance devra progressivement diminuer.
Cela parait de prime abord être une bonne idée, mais contient en réalité
le germe de la disparition progressive de la notion de redevance pour
copie privée, tout en légitimant le fait que la copie réservée à l'usage
privé puisse petit à petit être encadrée, contrôlée, voire supprimée par
la technique...  brrr... :/

Le rapporteur Vanneste explique que cet amendement 110 est exactement le
même que son amendement numero 23, qui est plus efficace. Dionis
réplique "On ne l'a pas vu! Je retire mon amendement." C'est tout à fait
révélateur des conditions dans lesquelles ce texte est examiné...
Personne n'a réellement eu le temps de le cerner ainsi que les 250
amendements présents dont certains déposés le jour même ou quelques
petits jours avant son examen en urgence.

L'article 6 est ensuite voté dans son ensemble (un article cosmétique
introduisant la notion de MTP), après une opposition de pure forme de
M.Billard, puis la séance est levée.

Elle reprend à 21h30 avec l'un des articles piliers du texte de loi :
l'article 7 contient en effet la définition d'une "mesure technique de
protection", et donc la possibilité de tracer une ligne plus ou moins
nette entre ce qui est MTP et ce qui ne l'est pas. De cet article
découle donc et donc ce qui sera contournable et ce qui ne le sera pas,
puis (art 13) les actes de la vie de tous les jours qui seront ou non
assimilés à un délit de contrefaçon (jusqu'à 3 ans de prison et 300.000E
d'amende pour rappel :)

Une série d'interventions se succèdent, d'un assez haut niveau
technique, et visiblement tous les députés semblent avoir compris les
implications cruciales de la recherche de l'interopérabilité!

Christian Paul offre la traduction de "The Future of Ideas" de Lawrence
Lessig à RDDV, Cazenave dresse un parallèle entre la recherche
d'interopérabilité et l'interdiction de la brevetabilité des logiciels!
Damned! il semble que nos arguments ont enfin porté leurs fruits!

Les amendements 144 et 253 sont présentés. P.Bloche évoque les formats
pivots aux MTP nécessaires pour obtenir une véritable interopérabilité :
 le passage par les standards ouverts est donc considéré comme
indispensable pour que cet impératif soit respecté. Il cite B.Carayon et
son rapport d'intelligence économique sur les outils de politique
industrielle, qui considère que les logiciels libres pourraient être un
moyen de se dégager de l'hégémonie monopolistique de quelques grands
éditeurs de logiciels extra-européens...

Bayrou explique que selon lui l'objectif d'une trop grande protection
des MTP est de mettra la main sur toute la chaîne de distribution
jusqu'au lecteur, ce qui représente un grand risque. Il évoque le LL et
sa fragilité, ainsi que les bénéfices qu'il apporte à notre économie. Il
est le premier à employer le terme de "mesure de contrôle" au lieu du
terme tout aussi convenu que novlanguesque de "mesures technique de
protection". Il explique plus ou moins clairement que si un logiciel
libre expose ses sources, il devient possible pour l'utilisateur de
supprimer une mesure de contrôle qu'il contiendrait. L'incompatibilité
entre MTP et logiciel libre, exposée depuis si longtemps par eucd.info
est enfin au coeur des débats parlementaires! :~) L'insécurité juridique
est évoquée... Il nous parle de ses "interlocuteurs très bien informés"
qui lui ont exposé les "difficultés stratégiques", évoque les menaces
tant en termes de sécurité que d'indépendance des "systèmes exposés"...

Bref, tout le monde ici évoque l'interopérabilité et les logiciels
libres! Brard (PC) compare les MTP aux OGM artificiellement stérilisés
de la firme Monsanto, programmés pour ne pas se reproduire, puis nous
explique que selon lui le ministre tente de faire "avaler ce texte comme
nos grand-mères nous faisaient avaler de l'huile de foie de morue". Il
faudrait pour lui que l'Assemblée remette son texte sur l'ouvrage.

Après une remarquable déclaration d'intention de RDDV sur la nécessité
de ne pas faire courir de risques au LL, et d'éviter la domination
mondiale, le cloisonnement et les monopoles (mais ou va-t-il chercher
tout cela? a-t-il été influencé par quelque député de sa majorité??),
l'amendement 28 est adopté. Dionis se plante lamentablement en déclarant
que "les logiciels ne sont pas des oeuvres" pour tenter de le justifier.
(vers 22h30, +1 à qui découpe la séquence :)

Les amendements cruciaux 144 / 134 / 201 / 243 / 136, amendements
eucd.info déposés par des représentants de tous les groupes
parlementaires, sont ensuite étudiés.

Les Logiciels Libres sont au coeur du débat pour tout le monde! Pas un
député qui ne prenne la parole n'omet de les évoquer, ainsi que la
nécessité absolue de les préserver! Les arguments d'eucd.info
fleurissent dans la bouche de chacun, les LL sont pour la première fois
au coeur du débat National.

Un bref doute nous assaille lorsque Vanneste tente d'imposer sa version
de cet amendement sensé limiter la portée des MTP : "Un format de
fichier, un protocole réseau ou une méthode de cryptage ou de brouillage
d'information ne peut être considéré comme une MTP au sens de la
présente loi" (à vérifier). Son article 252 semble identique mais il est
en fait redoutablement tordu et contient un dispositif ayant pour effet
de s'auto-neutraliser. Il explique qu'il est nécessaire d'ajouter : "Un
format.../... une méthode de cryptage ou de brouillage d'information
_qui n'a pas pour objet de protéger des oeuvres, des vidéogrammes, des
phonogrammes, etc_ .../..." pour préserver le secret du cryptage des
chaînes de TV payants. Il sème le doute dans l'assemblé quasiment prête
à unanimement voter cet amendement une minute plus tôt. Après une
suspension de séance et un suspense insoutenable, au cours duquel des
membres de tous les groupes sont allé discuter les uns avec les autres,
puis chercher des informations à l'extérieur, puis échanger, puis
gentiment s'invectiver (Dionis à Vanneste : "bon on vote le 252 hein!"
sur le ton de "nan, en fait j'déconne!")... Finalement le doute est
levé. L'amendement 136 est finalement retenu, mais sous-amendé par
"cette disposition ne concerne pas les chaînes de télévision", ce qui
n'est absolument pas gênant.

L'interopérabilité reste au coeur des préoccupations de chacun lors du
vote de l'amendement 153, version un peu plus "light" des 143, 85 et 125
de eucd.info... il détermine les conditions d'obtention des informations
nécessaires à l'interopérabilité, tout en faisant peser des contraintes
moins lourdes sur les fournisseurs de MTP (une sorte de RAND mou, au
lieu d'une obligation légale sous astreinte). Bien-mais-sans-plus, mais
il n'y a pas de quoi se plaindre : en gros les deux amendements
présentés susceptibles de garantir l'interop, issus d'eucd.info, ont été
adoptés à la quasi unanimité, et plebiscités par des membres de _tous_
les groupes parlementaires, qui ne tarissaient pas d'éloges sur les
bienfaits du libre face au propriétaire!! drôle de spectacle au cours de
l'examen d'un texte de loi qui concernait tout ce qui aurait pu mettre
des bâtons dans les roues du GNU!

La fin des débats approchant, les députés ont finalement à nouveau
dérapé sur le sujet de "license globale optionnelle" votée la veille...
un "nouveau groupe UMP" est présent dans l'assemblée (12-15 autres
députés que la 15-20aine présents la veille lors du vote, à 3 ou 4 près)
, après le tour de vis du président du groupe, manifestement hostile au
vote de la veille... des arguments fusent : "Des stars telles que Sichel
Mardou, Jaunit Alidait et Francis Labrel se sont prononcés contre la
license globale!" / "une conférence de presse réunissant des "stars" de
l'industrie à été organisée en urgence au Bourbon (le café ou se
retrouvent les députés, face à l'assemblée) contre la license globale!"
/ "il faut réparer cette erreur!" / "C'est affreux! La gratuité! La
création! Les emplois! L'exception culturelle! etc.". T.Mariani assure
que "tout l'UMP est contre l'amendement license globale!". On croit
marcher sur la tête! Quel est le jeu de cette majorité parlementaire qui
conteste un amendement qu'elle a voté la veille, et dont la nouvelle a
déja fait le tour de la planète?? :)

Le ton monte, l'heure tourne. Il va falloir ajourner. Les prochains
débats devraient avoir lieu le 17 janvier... Après tout nous n'en sommes
qu'à l'article 7 (sur une 30aine en comptant les amendements sur la
"riposte graduée"), après avoir reservé les articles 1, 2 et 4... cela
ne ressemble vraiment à rien.


Après-coup beaucoup se demandent comment RDDV pourra sauver la face.
Présenter une nouvelle version du texte? Accéder aux nombreuses demandes
de création d'une commission parlementaire dont les travaux prendront
nécessairement plusieurs mois? Retirer purement et simplement son texte?

Après ces 3 jours de débats, plusieurs faits semblent manifestes :
- - Ce vote de la veille a foutu un b*rdel noir dans le texte qui a
explosé en mille morceaux.
- - Renaud Vivendieu de Vabres semble complètement décrédibilisé. Les gens
de son cabinet feraient bien de chercher du boulot ailleurs.
- - Une toute petite portion du texte à été examinée en 3 jours très
denses. De nombreuses parties qui s'annoncent très polémiques, dont la
"Riposte/réponse graduée" présentée sous forme d'amendements de dernière
minute de 7 pages, restent à voir.
- - Les troupes de l'UMP sont divisées, car le débat contient de réels
enjeux socio-culturels qui transcendent les clivages politiques
traditionnels.
- - De nouveaux enjeux de sociétés qui pourraient paraître trop techniques
pour le péquin lambda (logiciels libres, interopérabilité, p2p) semblent
 être plus ou moins maîtrisés par le peu de députés motivés pour
discuter de ce texte dans de telles conditions.
- - Les conditions d'examen du texte sont indignes de la République.
- - Vanneste a été un piteux rapporteur, peut-être notre plus bel atout en
fin de compte dans la bataille qui encadrait ce texte! La nullité crasse
de ce type antipathique nous a autant aidé que la distance
impressionnante qu'il semble y avoir entre RDDV et les réalités
technologiques de notre temps.
- - Une action de lobbying (ou plutôt d'anti-lobbying) citoyenne et
distribuée, avec ce qu'elle implique de dynamique collective, d'effets
réseau et de contacts humains citoyens, a _très clairement_ eu un impact
non négligeable sur les députés et la teneur des débats.
- - Les couleurs tour à tour pâles, rouges, vertes, bleues, des visages
des représentants des industriels du contenu (Sylvie F. et Hervé R. pour
ne pas les nommer) et autres auteurs de ce texte pathétique (Vanneste)
au fur et à mesure des différents évènements marquants de ces débats
faisaient plaisir à voir.
- - Personne ne peut imaginer quelles seront les prochaines étapes, ni ce
que sera l'avenir du DADVSI.





jz




PS: heure de post tardive, journées très intenses, peu de sommeil,
maigre relecture.


- --
- ---  Jeremie ZIMMERMANN  ---------------  http://tofz.org  --
- ---  Sauvons le Droit d'Auteur!  -------  http://eucd.info --
- ---  Recherche en Informatique Libre  --  http://april.org --
- --
-----BEGIN PGP SIGNATURE-----
Version: GnuPG v1.4.1 (GNU/Linux)

iD8DBQFDq5WX1eTOPM/5+wsRAh70AKCPQMSbC4/PhjV8M3uOoK6UnO9bTgCgtjil
7wBKYcVaTLdL92UKVDqGugo=
=eoO+
-----END PGP SIGNATURE-----




reply via email to

[Prev in Thread] Current Thread [Next in Thread]